Bienvenue dans Les Chroniques de l’invisible
Il est fort à parier que La GID n’est pas un acronyme ou des lettres qui vous disent grand-chose. Il s’agit d’une chaire de recherche de l’Université de Sherbrooke, encore une fois, un univers qui ne vous est peut-être pas très familier.
La GID est néanmoins une chaire unique en son genre au Canada qui s’intéresse aux liens entre les questions de Genre et d’Intervention en Dépendance; aux enjeux entourant la pauvreté, l’itinérance, la précarité sociale, etc. Ses sujets d’intérêts ne sont pas nouveaux dans le monde des sciences humaines – ces problèmes qui gangrènent des sociétés dites riches comme les nôtres ne le sont malheureusement pas non plus -, mais l’approche et la façon de travailler de La GID promet un regard vraiment nouveau et une façon de travailler elle aussi innovatrice.
Pour ne prendre que le seul premier exemple que vous avez sous les yeux, La GID a parmi ses principales préoccupations de ne pas garder le savoir, ses recherches et la connaissance universitaire à l’intérieur des murs de l’université. Nous voulons sortir des tours d’ivoire, des cercles d’initiés qui ne se parlent, ne se comprennent et ne se répondent qu’entre eux et elles. Bref chez nous, il n’y aura pas de savoir mystique qui ne se transmettent que « de bouches de druides à oreilles de druides », mais il est probable que nous ne découvrions pas non plus le secret de la potion magique qui permettrait à tous les David de ce monde de terrasser tous les Goliaths.
Le transfert de connaissances
Dans le jargon universitaire, « le transfert des connaissances » est une expression qui veut dire grosso modo à la vulgarisation scientifique. Des étudiantes et étudiants bossent comme des dingues sur des doctorats quand ce ne sont pas des post-doctorats, des professeurs enseignent, étudient, se perfectionnent, se spécialisent pendant des années sur des sujets parfois assez pointus. Des professionnel-le-s de recherches élargissent ce champ de connaissances où il y a encore tant à découvrir et à comprendre. Nous ne vivons pas dans un univers parallèle, à l’heure où les communications doivent tenir en 140 caractères et où notre attention est stimulée par une nouvelle information environ toutes les 7 secondes, nous savons bien que les articles scientifiques ou les recherches universitaires ou les recherches universitaires ne sont pas la lecture de bain disons de 99% d'entre nous.
C’est notamment pourquoi La GID produira cette chronique sur son site web qui sortira minimalement une fois par mois et qui mettra en lumière soit des recherches directement menées par la chaire, soit des enjeux qui y sont directement liés ou associés. Nous avons privilégié la chronique, car c’est une des formules littéraires ou journalistiques qui permet la plus grande liberté de parole. Dans une note de politique ou une synthèse de recherche, la rigueur recommande et même exige de ne parler que de ce que la science et la recherche ont pu démontrer noir sur blanc, sur les connaissances nouvelles qui ont été produites et comment elles permettent de mieux comprendre une société en constante mutation.
La chronique, quant à elle, permet une plus grande liberté de parole. Sans faire fi des faits, des données ou des recherches, elle laisse tout de même la place à un commentaire éditorial, une prise de position, un coup de gueule ou un coup de cœur, un témoignage inédit ou de mettre l’emphase sur un aspect d’une recherche qui est particulièrement frappant, choquant, surprenant ou inespéré. Afin de favoriser une diversité de points de vue, plusieurs chroniques seront de mon cru, mais nous ferons aussi appel à différents intervenant·e·s ou spécialistes ou à différentes ressources dans les milieux, les groupes ou les communautés qui font l’objet de nos recherches. Même le format sera appelé à changer et se transformer, puisque nos chroniques seront aussi parfois sous forme de photos, de vidéos, d’entrevues, de textes ou encore d’un heureux (nous le souhaitons) mélange de tout cela à la fois!
La GID, pour genre et dépendance
Si on s’en remet aux clichés les plus tenaces, l’itinérant avec des problèmes de dépendances est ce vieux monsieur dans le centre-ville, la barbe longue et les cheveux en bataille, qui boit sa bière « cachée » dans un sac en papier et qui tend la main pour un peu de change. Sauf que, justement, c’est un gros cliché, qui a la couenne dure, et qui nous prive d’une meilleure et plus précise compréhension du phénomène.
Si vous vous intéressez un tant soit peu aux questions sociales, politiques, économiques, religieuses, culturelles, artistiques, voire même sportives; vous avez sans doute remarqué que la question du genre continue malheureusement d’influencer à peu près tout ce qui se passe dans la société. On le sait, ce sont presque toujours les femmes et les minorités (sexuelles, mais aussi racisées) qui sont les plus touchées – en intensité et en durée – par les différentes problématiques sociales et les injustices.
Cette réalité, j’aurais presque envie de dire cette loi tant pour moi le patriarcat est presque aussi fort que la loi de la gravité, touche donc tout autant les questions autour des dépendances, de la pauvreté et de la précarité sociale. Il est vrai qu’en parcourant les rues, on constate qu’effectivement les personnes qui sont sans l’ombre d’un doute des sans-abris sont encore majoritairement des hommes. Que les refuges ou les prisons continuent d’accueillir une clientèle à forte prédominance masculine.
Pour autant, cela ne veut pas dire que ce qu’on associe « à la misère humaine, à la détresse et à l’itinérance » serait le seul espace dans toute la société où les femmes tireraient mieux leur épingle du jeu que leurs collègues masculins. En fait, c’est tout le contraire; si la rue est un milieu extrêmement dur et dangereux, où l’espérance de vie est au moins de 20 ans inférieure à celle du reste de la population, c’est qu’il s’agit d’un milieu qui est encore plus dur et dangereux pour les femmes et les minorités. Ce qui explique que l’itinérance et la grande précarité sociale au féminin sont beaucoup plus cachées, beaucoup plus invisibles. Ce qui a aussi comme conséquence que les services et programmes qui peuvent être offerts à ces populations sont souvent vraiment bien moins adaptés à leurs besoins spécifiques, car ceux-ci sont peu et mal connus, pauvrement documentés.
Têtes pensantes, têtes pensées
La GID, ce sont des gens qui cherchent un pas de recul, qui tentent de trouver des solutions. Qui ont à cœur de trouver le meilleur « terrain d’entente » possible entre la recherche, la science, et « l’objet de nos recherches ». Donc, et c’est ça qui est différent, La GID tente de bâtir les ponts qui n’ont pas lieux d’être entre « têtes pensantes » et « têtes pensées ». En plus des universitaires classiques déjà mentionnés, on y intègre aussi ceux et celles qu’on nomme des « experts de vécu » ou des « pairs-chercheurs », à savoir des gens qui ont connu des parcours de vie cahoteux et difficile, qui ont dû fréquenter des ressources, qui ont connu la rue ou des périodes de grande précarité. Bref, ceux et celles qui sont les sujets de l’étude en sont aussi – en partie à tout le moins – les objets. Une pratique malheureusement beaucoup trop rare et très innovatrice en sciences humaines.
Le site internet et les communications de La GID iront bien sûr largement au-delà de cette chronique. Nous espérons par contre qu’elle pourra peut-être vous servir de porte d’entrée sur l’ensemble de nos recherches, ou à tout le moins, vous initier à un monde et une face de la société qui demeure trop souvent dans l’ombre ou dans l’invisible.